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TERRITOIRES CONTRAINTS - Richesses insoupçonnées (4/4) Conclusion

jeudi 23 novembre 2017, par Alice BRICOUT

CONCLUSION

Le voyageur, sur la route américaine, traverse des paysages désertiques apercevant à l’horizon des Suburbias. Puis plongeant dans une ville il pourra faire l’expérience de passer aux abords des downtowns sans y toucher. L’observateur attentif pourra remarquer une similitude entre suburbia et lotissements, ainsi qu’entre downtowns et cités.

« Il y a cette idée erronée selon laquelle il s’agit d’opérations immobilières singulières, détachées du contexte de la ville existante et menées de façon isolées ».

En remarquant que les écrits de Jane Jacobs datent des années 1960 et portent sur les villes américaines – encore une fois cela semble revenir à comparer l’incomparable – on peut affirmer que le sujet du territoire contraint n’est pas nouveau, ni spécifiquement localisé. En revanche un paysage particulier et une structure particulière suscitent des situations exclusives. Une topographie très marquée, tournée vers la mer, et des infrastructures très présentes même en centre-ville, sont le propre de la métropole d’Aix-Marseille.

Ainsi, et sans surprise, les deux types de limites des territoires étudiés sont les infrastructures (autoroutières ou hydrauliques) et les collines. Ces contraintes sont présentes sur des zones urbaines presque totalement contraires. Malgré deux échelles différentes, de la cinquantaine au millier de logements, deux classes sociales différentes, deux morphologies d’habitats, ils ont un point commun : ce sont des ensembles de logements inscrits dans un site présentant les mêmes types de limites.

Les richesses sont présentes dans les limites naturelles ou dans les infrastructures hydrauliques (elles se fondent bien dans un paysage, puisqu’elles reprennent les caractéristiques de la rivière). Elles peuvent avoir un potentiel écologique et paysager. Par ailleurs, elles constituent aussi de véritables identités à des territoires qui ne les trouvent pas dans leurs architectures autistes face au paysage.

Ces territoires qui ont été aménagés d’un seul coup, étaient, il y a pas si longtemps encore, des campagnes, des domaines bastidaires. C’est pourquoi une richesse patrimoniale est présente. Depuis les années 2000, un courant vise à préserver et à faire connaître ce petit patrimoine. Certains appellent cela « la démarche du patrimoine intégré ». Par exemple, en ce qui concerne les cités, cette approche permet de casser les préjugés, en y dévoilant une richesse historique. « On sort donc d’une définition étroite du patrimoine. Il s’agit plutôt de reconstituer l’histoire complexe, à travers les traces, les mémoires et les archives, de ces quartiers méconnus et de leur diversité : « les campagnes », les bastides, les villégiatures, l’avènement industriel, les infrastructures, les cités ouvrières, les bidonvilles, les grands ensembles, les grosses industries et leur démantèlement successif. Il s’agit de construire la mémoire de ces lieux, […] avec les intéressés ». Outre les associations ou coopératives, que nous avons pu connaître à travers ce mémoire, il en existe qui se déploient à plus grande échelle. Par exemple, « L’Hôtel du Nord » est une coopérative qui met en place un tourisme alternatif avec des gîtes chez l’habitant et des balades patrimoniales ayant pour objectif la construction d’un patrimoine commun dans les quartiers nord de Marseille. Ou encore, le GR2013 qui est un sentier métropolitain faisant découvrir les richesses de la métropole que ce soit au niveau du paysage, des espaces urbains ou naturels, des traces d’une culture passée et présente. Toutes ces approches visent à intégrer le patrimoine naturel ou historique de ces lieux.

Si ces dernières contiennent les richesses, les infrastructures viaires semblent être des ruptures néfastes. L’autoroute est toujours source de dépréciation du cadre de vie.

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Du point de vue de l’intérieur cette limite tend à faire perdre l’identité du territoire. Depuis celui de l’automobiliste, il existe une impression d’être relativement hors du contexte, de ne pas faire partie du lieu traversé. Comme le dit Jane Jacobs « Les deux endroits qui de toute façon se portent le plus mal, ce sont toujours les deux bandes de terrains qui bordent la voie ». Elle propose alors de transformer ces « frontières désertes » en « coutures », pour qu’elles deviennent des lieux d’échange.
En effet, l’autoroute est vue seulement comme un outil technique, alors qu’elle aurait tout intérêt à être un objet d’attractivité. Elle touche le périurbain, les cités et le paysage. Avec l’ajout d’une pensée architecturale, elle pourrait retrouver une force. Les rondas de Barcelone ou encore le projet du Grand Paris qui mêlent l’échelle métropolitaine avec l’échelle locale, en sont la preuve.
C’est en travaillant à plusieurs échelles que les infrastructures peuvent être de véritables accélérateurs de ville.

Il existe pourtant une limite à ce raisonnement, si l’on veut préserver les richesses « extraordinaires » de ces territoires. En effet, nous avons vu que, bien souvent, c’est dans la limite même que se trouvent les richesses. En ouvrant trop ces territoires sur la ville, on pourrait perdre ces lieux qui font limite et un processus de remplissage détruirait leurs richesses. Il s’agit donc de trouver un juste milieu.

Nous avons pu voir que ces territoires contraints n’avaient pas de réels espaces publics, que ceux-ci sont réduits à de vastes espaces d’herbes ou de parkings. Ces espaces sont à la fois trop grands et pas assez grands car ils ne sont ni intégrés à la ville ni à un paysage. Un étranger à ces territoires est bien souvent rapidement aperçu par les habitants et surveillé. Il existe alors une ambiguïté dans la qualification de ses espaces : sont-ils privés ou publics ? Les politiques les considèrent comme des délaissés. Soit ils cherchent à les morceler pour leur donner une existence maîtrisée ou bien ils nient leur existence, ne les faisant pas entretenir et les laissant tomber dans l’oubli.

En conclusion, il semble primordial d’apporter un regard d’architectes à ces territoires contraints avec une connaissance patrimoniale et écologique qui doit être posée à toutes les échelles, de la métropolitaine jusqu’à la micro, en passant par celle du paysage et du grand ensemble.

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La coupure situe l’image de la ville à l’opposé de l’idéal urbain. Cela crée-t-il des espaces dénués de qualités ? Ce mémoire a pour but de comprendre ces territoires contraints à travers deux cités et deux lotissements de la métropole. Il tente de mettre en lumière les potentiels que peuvent contenir ces lieux. Deux types d’éléments de coupure se retrouvent dans ces exemples : la limite naturelle et l’infrastructure.

Un travail graphique sobre met en évidence leurs frontières. L’outil photographique vient compléter et inverser le regard sur ces espaces.


ENSA Marseille - Métropole Carnet Curieux - Studio Rémy Marciano
2016-2017

Ecole Nationale supérieure d’Architecture de Marseille

http://www.marseille.archi.fr/

TERRITOIRES CONTRAINTS - Richesses insoupçonnées
Alice BRICOUT - Mémoire de fin d’études - 2016/2017

Voir en ligne : TERRITOIRES CONTRAINTS : Les 4 articles

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